Le bois local, la quête du graal

Le bois local, la quête du graal

Débit d'un tronc de pommier local à la scie à ruban

Acquit de conscience...

Depuis quelques années le bois parfait au fil droit et sans nœuds est concurrencé par ce qui a été longtemps jeté au feu: le bois fendu, au fil tortueux ou bardé de nœuds. Les tendances ont évolué, les consciences et les techniques aussi. Qui aurait voulu il n'y a pas si longtemps encore, d'un plateau balafré et raccommodé à l'aide de clés papillon en guise de table de salon?

Aujourd'hui nous aimons de plus en plus les défauts du bois et les amenons chez nous telle des œuvres d'art naturelles. J'ai beau avoir le plus grand respect pour l'ébénisterie classique, le mobilier ancien, empire ou Louis XV, je me régale à chaque découverte de bois cabossé par la vie et son lot de défis. En ébénisterie, c'est une hérésie!

 

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[Cytise troué et buis échauffé - Hérétique!]

 

J'ai aussi été marqué durant l'enfance par la quantité de bois, jugé inapte ou défectueux, que mon grand-père ébéniste condamnait aux flammes comme de vulgaires rebus. Or aujourd'hui ce sont ces "défauts" naturels, ces balafres à raccommoder que je vais chercher et mettre en avant dans la plupart de mes créations, tels des témoins de la vie de l'arbre auxquels j'accorde respect et contemplation.

Seulement voilà: comment et où m'approvisionner? Dans notre beau pays, à quelques pas ou kilomètres du domicile, il y déjà de quoi faire: Les parcs et jardins regorgent d'arbres fruitiers et ornementaux tortueux, les bois et forêts régionales bien que peu nombreux dans ma région frontalière suffisent à fournir les essences classiques de qualité peu flatteuses pour l'ébéniste mais idéales pour moi. Et dans de nombreux cas nous n'avons pas à rougir de notre flore domestique face à celle des tropiques!

 

[Ci-dessus, est-ce du pommier tropical? non non, local! - (bille au dessus, racine en dessous)]

 

Des trésors locaux...

A deux pas de chez moi, quantité d'arbres sont abattus et sacrifiés dans la benne d'une déchèterie ou dans le foyer d'une cheminée, alors que tout ou partie peut avoir la chance de trôner fièrement chez vous. Une opportunité à saisir pour une empreinte environnementale largement diminuée. La vie ne m'en tiendra pas rigueur, je pense.

J'ai la chance d'avoir tissé au fil des ans un réseau d'approvisionnement suffisant à mes besoins de matière. Un réseau de professionnels et particuliers qui me fournissent régulièrement  en arbres fruitiers, ornementaux, en bois déclassés ou  issus de démolition. Une matière récupérée ou rachetée qui ne demande qu'à s'exprimer en exposant sous un autre jour ses défauts liés à sa propre existence.

Mes essences proviennent donc de mon coin, aucun arbre n'est abattu pour moi. C'est un ensemble d'opportunités qui remplit mes réserves dont je prends le plus grand soin depuis des années et qui bien souvent arrivent en rondins, billons, souches avec ou sans racines qu'il s'agit d'exploiter et de transformer pour leur permettre de s'exprimer sous une autre forme.

[Ci-dessus, de l'aubépine récupérée auprès d'un particulier]

Cytise faux ébénier, ébène d'Europe

 [une belle souche de cytise avec ses racines, ce n'est pas tous les jours]

J'apporte aussi beaucoup d'attention à mon propre bois de chauffage en choisissant des fournisseurs locaux et dont je connais la provenance des essences qui me sont livrées: Valenciennois, Mormal ou plus rarement des ardennes. Chaque année dès réception, un tri s'impose car bien souvent certains trésors s'y cachent et c'est avec un œil d'enfant que je m'extasie en tenant une bûche de frêne olivier ou de charme à l'aspect mal en point... Des idées plein la tête!

[A gauche: Le bois de chauffage, une source non négligeable mais gourmande en temps et qui engendre beaucoup de pertes. A droite: une partie de ma réserve où la matière termine son séchage paisiblement]

 

Du tronc à l'objet, le respect de la matière, entre tradition et modernité, tout se transforme et rien ne se perd!

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